Ma fille (...)

Un poème de Bénédicte Ponçot publié ici avec son autorisation...

Ma fille...

Toi devant moi derrière tes couilles devant mes seins derrière
depuis des millénaires
des millénaires enfermer cloitrer obéir servir coucher accou- 
cher
des millénaires à terre contraintes à se taire altérées derrière 
les voiles derrière les murs derrière les mots
derrière les mots des mères la poigne des pères 
derrière

never jamais plus
fin de la phallocratie
ma Fille
ma génération comme dernier refrain de cette sordide chan- 
son
je l'espère

Tu es le monde sans Père

notre Père
t'es mort faut ça au moins c'est mieux
le monde dans ta main ma Fille
regarde sens respire
tes mains tes envies ton corps jouis

Tu es le monde sans Père
je te l'espère

ne te retourne pas
derrière le temps passé de la trique le temps des interdits
assises attendre silence

mariages forcés forcées la nuit de noces de nuit en nuit sexe
ouvert changement de propriétaire
ton ventre antre reproducteur d'un putain de monde d'un 
monde de fils avocat médecin patron artiste trader général 
chercheur si peu père et de filles bonnes filles bonnes 
ménagères bonnes mères bonnes putains

Tout éclater ce monde
le monde entre tes mains ma Fille 
le monde sans Père

Rien
ne laisse rien passer pas un regard pas un geste pas un rire
pas un sourire
Nada
barricades pavés rafales balaie raye balance braque efface les 
sexistes virilistes de service machistes de sévices
balance ta rage au connard qui te siffle te frotte dans le métro 
te déshabille de sa blague de comptoir te regarde tellement 
longtemps pour te vomir qu'il te veut qu'il use ton visage de 
ses yeux
braque ce mec qui te plaque main au cul bouche aux lèvres te 
plaque contre le mur son sexe dur
Fin du jeu mise en joue

Amazones des steppes scythes Onna-bugeisha du soleil le- 
vant Dihya reine berbère Agoo djie du royaume d'Abomey 
Guérillera d'Amérique latine
que vienne le temps des guerrières
Arme ton bras
bats toi ma Fille
pour toi
pour les fillettes sans école
pour les femmes perdues sous les coups emmurées violées 
excisées

Abat le Père Sacré
Abat le Père Patriarche
Blinde toi yeux ouverts sourire doigt sur la gâchette fonce 
explose défonce emmerde ne les laisse pas gâcher ta liberté 
Vise appuie tire détruit déssoude déglingue dézingue à terre
enterre
sans réquiem
sans noster
Ciao Pater

ma Fille
Tu es le monde sans Père 
Tu es le monde de tes envies en vie
jouis

Bénédicte Ponçot

Le poème  mis en voix  et en musique dans une vidéo:

Poème découvert sur la revue  semestrielle Gros Textes n°50   d'Yves Artufel...

"Déplacer les Montagnes"...

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