Le blog des 3 A... : Trois Retraités Heureux de l'Être...
25 Juillet 2024
Suite de la nouvelle de Louis Pergaud...
( Début... )
LE VIOL SOUTERRAIN (2)...
Elle dort. Ses flancs à la peau veloutée se soulèvent avec violence. Quel cauchemar de bête étreint en ce moment sa petite cervelle ? L’eau d’une inondation glougloute-t-elle aux corridors et va-t-elle envahir la galerie où elle repose ? Au cours de quelle lutte géante avec un grand serpent qui siffle vers sa trompe, son énergie flageolante la livre-t-elle à son ennemi ?
Non, c’est un bruit, un bruit souterrain, un grattement sourd, presque imperceptible, qui, comme un gong d’un alliage étrange, enfle dans son cerveau un souvenir terrible et fait sursauter en elle une horde assoupie de vieilles terreurs. Frémissante, elle se dresse.
Et comme dans la mine envahie par l’eau le cri d’alarme fait se ruer vers le salut en indescriptible cohue les ouvriers affolés, en son être inquiet, plein de souvenirs latents et de vies inconscientes, la perception aiguë du danger : le mâle ! la traversant comme un « sauve qui peut » fait de toutes parts refluer vers son cerveau toutes les énergies désordonnées dans la rafale du frisson. Le mâle !
Le mâle dont le baiser est une blessure, dont l’étreinte est une torture, dont l’attente est une angoisse ! Le mâle qui viole comme l’assassin tue, le mâle qu’elle a déjà subi et qu’il faut fuir, fuir comme la mort.
Elle écoute. C’est lui, pas de doute ; c’est bien le bruit de ses pattes qui fouillent, qui creusent, qui approchent.
C’est le mâle ou les mâles, car, plus loin, peut-être, dans des épaisseurs où ses sens n’atteignent pas, d’autres encore sont en marche vers elle dont il faudra subir le contact dans la douleur horrible de l’étreinte nuptiale.
Fuir ! fuir ! Mais où ? la lumière c’est la mort. La petite taupe se souvient qu’un soir d’antan, abandonnant la fournaise ardente de ses corridors, elle a voulu monter parmi la fraîcheur odorante des andains mouillés de rosée chercher un remède à sa souffrance.
Au bord du couloir tortueux, quand l’infini du soir tombant, avec son immense soleil rouge, a surgi devant elle, ses pauvres yeux si faibles, brûlés par la lumière, se sont fermés avec violence, et elle est restée là, à demi morte, entièrement aveugle, le temps d’une longue chasse.
Quand l’obscurité comme un baume eut humecté ses yeux de ténèbre et qu’elle put regagner sa demeure souterraine, elle se promit bien de ne plus jamais s’aventurer par delà son monde, dans ces régions éblouissantes et terribles d’où, comme des menaces, des cordes blanchâtres descendent sans cesse pour bouleverser la savante ordonnance de ses cantons de chasse.
Mais l’ennemi est là qui approche. Le bruit s’accentue ! Fuir ! fuir !
Et, avec une hâte fébrile, elle creuse, elle aussi, un couloir nouveau, tortueux, sournois, enchevêtré, avec des culs-de-sac multiples. Il faut un labyrinthe inextricable où il s’égare ! Oh ! le pouvoir bloquer dans une prison entre des pierres ! Et les pattes de devant fouissent, creusent, battent ; celles de derrière rejettent la terre ; la petite trompe mobile frémit de fièvre et de peur. Le boyau s’allonge. Mais lui ! Où en est-il ?
À la galerie centrale elle revient et écoute. Il approche. La cloison de terre vibre ; quelque chose a crissé aigument.
Une pierre barre son chemin. S’il s’était brisé les griffes ! Un silence ! Mais non, il reprend son travail, il tourne la pierre, il viendra, il va arriver.
Et, hypnotisée par le bruit, Nyctalette reste là, stupide, écoutant. Par quel couloir fuir ! La cloison de glaise vibre plus fort ; elle frémit ; des miettes de terre se détachent comme si un bélier heurtait la paroi, et tout d’un coup, dans un éboulis dernier, la trompe terreuse, le poil sale, l’ennemi surgit dans la place tandis que Nyctalette, emportée par l’instinct, s’élance par le premier couloir venu et disparaît dans la ténèbre.
[...]
Le texte bientôt mis en voix... enfin, si je trouve une voix qui veuille bien le lire, j'en ai un peu marre de jouer les petites poules rousses... alors en attendant c'est Julie , une voix de synthèse qui lit le texte...
a.l.s
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Enseignant spécialisé pendant plus de 42 ans, maintenant en retraite dans un petit village de Franche Comté, je coule des jours paisibles, mais sans néanmoins avoir arrêté toute activité sur le Web... Pédagogique ou pas...
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